Quand les élus locaux ne comptent que sur le Président de la République…

3 décembre 2013

Quand les élus locaux ne comptent que sur le Président de la République…

L’actualité en Côte d’Ivoire la semaine dernière était sans doute la visite du chef de l’Etat Alassane Dramane Ouattara à Bouaké. ADO, comme on l’appelle chez nous ici à Abidjan, était en effet dans la région du Gbêkê – au centre de la Côte d’Ivoire – pour une visite d’Etat. Pour cette visite, Bouaké a repris fière allure et mérite désormais son nom d’antan, « la seconde ville de la Côte d’Ivoire ». Mais le jeune ivoirien et abidjanais que je suis, tout en approuvant le contexte de cette visite, se pose des questions sur certains autres aspects de cette dernière; Je pointe du doigt nos élus locaux.

Le fait pour Bouaké de recevoir le Chef de l’Etat était très attendu par la population, vu le nombre de personnes présentes au stade municipal de Bouaké, le jour du dernier meeting du Président Ouattara. Les populations l’attendaient parce que, de ma mémoire de jeune ivoirien né dans les années 80, la visite d’un chef d’Etat ivoirien en fonction à Bouaké date de belle lurette. Président Ouattara en le faisant, valorisait ainsi cette région «délaissée» par ses prédécesseurs. Il était donc important de lui rendre la part belle en se mobilisant massivement pour la réussite de cette visite.

Je suis Baoulé (une ethnie de la Côte d’Ivoire), fils de la région, donc je connais un peu notre mentalité. Le Baoulé aime les honneurs. Et quand tu lui fais honneur, il te la rend de la plus belle des manières. Cela se justifie donc. Mais cette mobilisation se justifie aussi par le fait que, de l’argent (une belle somme je le signale) a été injecté dans les préparatifs de cette visite pour  la réhabilitation de certaines infrastructures. Des villages ont même été électrifiés et fournis en eaux courantes. Il faut donc être des ingrats pour ne pas réserver un accueil chaleureux à celui par qui cela est arrivé. Cette visite, il faut le reconnaître, a fait beaucoup de bien à cette région. Cela montre que le pays est vraiment «recollé». Mais une question d’une amie, originaire de San Pédro (dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire) a attiré mon attention. « Donc il faut que le Président se déplace dans une région pour que les infrastructures de cette région soient réhabilitées quoi ? » m’a-t-elle demandé le plus simplement possible.

Je me suis donc rendu à l’évidence qu’en tant que bon africain, je n’avais pensé qu’à moi, ma région et ses villages environnants. J’avais oublié que mon pays comptait  31 régions et que le Président de la république n’allait pas certainement pouvoir faire le tour de toutes ces régions. Question donc ! Quels rôles jouent effectivement nos élus locaux dans leurs Districts, conseils généraux et mairies ? S’il faut attendre la visite du chef de l’état pour penser au développement économique et social des régions, je pense que cette histoire d’ «émergence à l’horizon 2020 » est une utopie. L’inactivité de nos élus locaux est en effet un frein à cet objectif. Mais je comprends aisément cette inactivité non sanctionnée électoralement par les populations de ces élus locaux pour ne pas dire ces «Elus pour soi». Nous sommes une population à 51% analphabète (selon l’UNESCO). Et l’africain analphabète ne pense qu’à son ventre; une fois rassasié il ne pense plus à son devenir sur une longue durée. Ces «élus pour soi», ayant compris cela, reviennent chaque fois vers la fin de leurs mandats pour faire don de quelques sacs de riz, des bidons d’huile, un peu d’argent liquide et hop le cycle reprend. Cinq nouvelles années et attendre que le chef de l’état fasse un geste pour le développement socio-économique de la région. Quel dommage! 

J’espère que certains d’entre vous comprendrons ce proverbe Baoulé sur lequel je finis ce billet: « Si tu es dans la même pirogue qu’une personne et que tu perces cette pirogue, vous risquez de vous noyer tous les deux. »

Visite du chef d'état à Bouaké
Visite du chef d’état à Bouaké

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